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Objets connectés avez-vous donc une âme ?

Objets connectés avez-vous donc une âme ?


Que vous soyez plus ou moins utilisateur des derniers smartphones ou que vous ayez reçu comme cadeau récemment une balance reliée à votre téléphone, il ne vous aura pas échappé la progression fulgurante des objets dits « connectés » dans notre société de consommation.
S’il y a peu de chance que votre médecin vous en parle, vous auriez mis de la mauvaise volonté à ne pas voir les rayons dédiés à ces nouveaux objets étranges qui composent des rayons presque entiers dans des magasins d’informatique ou d’électroménager.
Cette arrivée massive de produits connectés vient après une première génération d’objets déjà qualifiés d’intelligents mais peu abordables et peu fiables (la fameuse domotique, les tondeuses automatiques dont on vantait l’avenir il y a 15 ans)
Ces objets connectés viennent essentiellement dans le secteur de la santé au sens large. Ils se présentent en général comme des objets de santé, et ne manquent pas de reprendre la qualificatif de « Health » (avec un e devant pour e-health) qui est une notion assez large pour les anglo-saxons.



La question majeure est de comprendre la place de ces objets


Sont-ils un apport personnel à votre santé, comprenez au sens « bien-être », tel que la surveillance quotidienne de votre poids, de votre indice de masse corporelle (le fameux IMC), votre pouls lorsque vous faites du sport ou s’intègrent-ils dans le domaine très sérieux de la Santé, système éminemment complexe pour ceux qui n’en sont pas.
Alors, l’objet connecté répond-il à un besoin (créé) consumériste ou à celui d’un patient ? S’agit d’une utilité personnelle ou « sociétale » au sens d’apport dans le système de santé ?

 


Bien-être, prévention ou soins


Les objets connectés le sont de différentes manières.
La balance est reliée à votre tablette et une application synthétise les derniers relevés, le téléphone détecte les mouvements et mesure les pas et, grâce au GPS, mesure la distance parcourue. La connexion reste « domestique ». Elle vous permet de savoir ce que vous faites. Cela relève du bien-être, donc de la Santé en général mais n’a pas de lien direct avec les acteurs de santé. En revanche, des signaux d’alerte (poids) peuvent être détectés, on s’approche de la prévention.

Ce domaine va évoluer dans les prochaines années avec un intérêt grandissant pour les mutuelles et assureurs complémentaires pour connaître, comprendre, anticiper les risques des assurés. Les actuaires ont de beaux jours devant eux.



Du consommateur au patient


En revanche, et c’est là où le marché est encore différent, c’est que le domaine de la santé, notion qui, à la différence du « Heath » anglo-saxon, est plutôt restrictive dans son acception française.
Des objets connectés peuvent permettre de suivre des patients à risque, de suivre des patients en cours de traitement (diabétiques par exemple) ce qui représente un intérêt sanitaire évident, ou encore de pouvoir faire passer des patients soignés à l’hôpital en ambulatoire (et donc à leur domicile par exemple) ce qui représente un intérêt médico-économique certain.



Quelles avancées peut-on raisonnablement espérer ?


Les avancées des objets connectés en « santé » sont essentiellement technologiques, les salons successifs nous montrent des objets plus petits, avec des autonomies et des fonctionnalités plus performantes, des interfaces plus conviviales. En revanche, elles séduisent les consommateurs mais ont encore un impact limité pour les patients.
Non pas que le patient ne veuille pas de ces objets, au contraire, mais se pose un certain nombre de problèmes liés à ces nouvelles technologies :
Un obstacle « politique » : Ces objets ont principalement été créés par des start-ups ou des sociétés qui se sont approprié l’usage du mot « santé » pour des appareils ou applications qui n’avaient pas été présentés en premier lieu aux professionnels de santé. Ainsi l’ordre des médecins a-t-il eu un peu de défiance vis-à-vis de ces appareils qui ont été parfois présentés maladroitement comme pouvant remplacer le médecin.
Les autorités de santé elles-mêmes constatent le développement d’applications dites de « santé » et de ces objets alors que la santé en France est sous la sacro-sainte tutelle d’agences et commissions compétentes.
Un obstacle juridique : Quel est le statut de ces applications et appareils ? Quelle est leur utilité dans le système de santé, mais surtout quelles sont les garanties apportées sur leur usage. Aujourd’hui les objets connectés ne devraient-ils pas faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché et les applications d’une habilitation, d’une certification prouvant le sérieux du développement.
Et surtout, les garanties apportées aux très nombreuses données collectées dans le pays d’où les données de santé doivent être hébergées par des organismes agréés et où la CNIL veille scrupuleusement à la collecte de fichiers informatisés.
Un obstacle lié à l’efficience de ces objets et applications : ce sera le challenge des développeurs dans les prochains mois et années : Arriver à prouver que l’Object connecté, dans la mesure où il permet de lier le patient à un médecin (ville ou hôpital) et un meilleur suivi, sera un tremplin pour demander la prise en charge par l’assurance maladie (voire les mutuelles pour le surplus) du matériel.



D’où une question de coût, de prise en charge, du payeur…


Non seulement les patients seront (certains le sont déjà dans des cas très particuliers) suivis, mais les données serviront à alimenter des bases de données (Big data) qui permettront non seulement de mieux connaitre les pathologies, mais également les facteurs de risques, le développent de nouvelles indications, et suivre l’observance par les patients (car la non observance a un coût).
En 2015, le challenge pour les objets connectés n’est plus tellement ou seulement technologique, mais celui d’être approprié par les professionnels de santé comme outils de dépistage, de suivi et d’obtenir la reconnaissance des autorités de santé.
Si l’on retient l’hypothèse darwinienne, les meilleurs objets et applications intégreront le système de santé français. Les moins bons resteront des objets de consommation courante ou disparaîtront par obsolescence non programmée.
 

 

 

Guillaume de Durat
Conférencier, chargé de cours sur les compléments alimentaires et la compliance à l'université Jean Monnet de Saint-Etienne,
Chargé de cours à l'ESCP Europe,
Membre du jury du Festival annuel de communication santé de Deauville.
 

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