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Quand les particuliers deviennent des banquiers

Quand les particuliers deviennent des banquiers


Crowdfunding, P2P lending (lire peer-to-peer), Kickstarter, MyMajorCompany, AngelList, LendingClub… Ces termes virevoltent dans la presse ou sur les réseaux sociaux. Et le lecteur, même attentif, commence à s’y perdre.

Impensable il y a encore quelques années, la finance participative est en train de bouleverser les modèles financiers habituels. Si faire des dons ou investir au capital de start-ups, deux des principales catégories de la finance dite participative, ne sont pas des nouveautés, le prêt en direct par des particuliers constitue une véritable révolution. Depuis des siècles, prêter de l’argent était une activité strictement interdite à tout épargnant.

Le législateur français, prenant la mesure du bouleversement en cours aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne, vient enfin d’offrir un cadre réglementaire clair et avant-gardiste pour toute plateforme internet souhaitant faire se rencontrer les épargnants et les PME en quête de prêteurs. Une opportunité sans précédent pour les TPE et PME, qui, contrairement aux grands groupes et aux ETI, n’avaient jusqu’alors aucune autre solution que la banque pour se financer. On parle d’un marché de 80 à 100 milliards d’euros par an en France seulement.

La promesse des plateformes de prêt aux entreprises qui verront le jour dans les mois et années à venir est celle d’un financement plus large pour les TPE/PME dont tous les observateurs reconnaissent l’utilité à l’économie nationale. Elles vont surtout stimuler la concurrence et faciliter l’investissement privé. Mais pour que la promesse se transforme en succès, il y a néanmoins un certain nombre de pré-requis.

Premier d’entre eux: le sérieux de ces nouveaux acteurs et leur capacité à proposer des dossiers de qualité, avec un risque global acceptable au regard des espoirs de rendement.

Car il est d’abord question de finance avant de parler d’internet ou de technologie. Contrairement aux dons, les clients sont des épargnants et ils attendront un retour financier mais aussi du service (rating, reporting, gestion des flux, recouvrement…) en mesure de rendre cette classe d’actifs accessible de manière plaisante et sûre. Les errements initiaux de certains pionniers américains (Prosper a connu une class action en 2008 avant de repartir sur des bases saines) devront rester dans les mémoires des acteurs comme du régulateur.

Le succès viendra aussi de quelques adaptations nécessaires de la loi. Pourquoi, par exemple, restreindre le prêt uniquement aux personnes physiques quand on sait que les plus gros patrimoines sont tous structurés sous forme de personnes morales? C’est très probablement un simple oubli rédactionnel dans l’ordonnance du 30 mai 2014, mais il conviendra de la modifier au plus vite. Autre exemple: si la fiscalité de la personne physique sur les intérêts est aujourd’hui assez punitive (notamment pour les haut revenus depuis la disparition du prélèvement libératoire), il faudra à minima que les pertes liées à des prêts puissent s’imputer sur les gains. C’est le prix fiscal minimal à payer pour dynamiser, une fois pour toute, le financement de nos petites et moyennes entreprises et traiter avec équité l’épargnant qui décide de soutenir l’économie réelle.

Le succès viendra également de la capacité des institutionnels à se servir de ces plateformes pour dynamiser leurs rendements en allant y financer en masse des prêts qu’ils n’ont jusqu’alors jamais couverts. Le succès des LendingClub, OnDeck ou SoFi vient de là. Il est frappant de voir que 70% du milliard prêté via LendingClub au cours du dernier trimestre vient non pas d’investisseurs privés mais d’investisseurs professionnels. Il est également intéressant de voir SoFi, spécialiste du prêt aux étudiants, émettre une obligation de 251 millions de dollars notée par S&P.

Le succès viendra enfin de l’appétit des investisseurs pour un risque acceptable. Espérons que le taux du livret A à 1% ou que la baisse régulière du rendement du fonds euro contribuera à pousser l’épargnant vers le financement de l’économie plutôt que celui des Etats, déjà largement surpondéré dans les portefeuilles des investisseurs privés.

Une révolution se joue dans le financement de notre économie nationale. Sa réussite sera un des piliers du financement du rebond économique de demain.

Tribune publié le 17 octobre 2014 dans le Huffington Post

 

Olivier Goy

Président du conseil de surveillance de 123Venture, fondateur et président du directoire de Lendix
 

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